Sahra Wagenknecht : l’ovni des élections allemandes
L’égérie de l’extrême-gauche allemande, Sahra Wagenknecht, réussira-t-elle son pari de rentrer au parlement national, un an après la création de son parti ? À cinq semaines des élections fédérales du 23 février, les sondages la donnent comme pouvant peut-être entrer au Bundestag. Sahra Wagenknecht, leader de l'extrême-gauche allemande et surprise des élections régionales l'automne dernier. Elle prône une ligne d'ouverture avec la Russie, et très dure sur les migrants |Ouest-France À Berlin, Sébastien VANNIER.
2024 aura été indubitablement son année : entre la création en janvier d’un parti qui portait modestement son nom – Alliance Sahra Wagenknecht (BSW en allemand) – et les succès électoraux de l’automne qui ont amené ses camarades aux gouvernements régionaux de Saxe et du Brandebourg, Sahra Wagenknecht a été toute l’année sous les feux des projecteurs en Allemagne.
Presque une habitude pour celle qui est née en Allemagne de l’Est, à Jena, il y a 55 ans. Car la carrière politique de cette docteure en économie a déjà souvent été mouvementée : dès le départ en réalité, car elle avait intégré la SED, le parti du régime est-allemand, juste avant la chute du Mur. Depuis, celle dont la carrure un peu frêle contraste avec sa puissance rhétorique n’a jamais cessé de jouer les trublions à l’extrême gauche.
De l’ancien parti PDS, en passant par sa " plate-forme communiste ", elle a longtemps joué les premiers rôles au sein du parti Die Linke, créé par Oskar Lafontaine. Grande figure de la gauche allemande, celui-ci est même devenu en 2014 le mari de Sahra Wagenknecht, mais il quitte Die Linke en 2022. Un an plus tard, après de longues dissensions sur la politique migratoire ou le positionnement en Ukraine, Sahra Wagenknecht lui emboîte le pas et claque la porte d’un parti d’extrême gauche moribond pour créer sa propre mouvance.
Avec la bénédiction de MoscouSa motivation : " proposer une nouvelle politique " comme elle l’indique dans un entretien donné cette semaine au partenaire allemand de Ouest-France, Funke Mediengruppe. Avec la paix avec Moscou comme revendication principale, " Nous devrions proposer à la Russie de stopper immédiatement nos livraisons d’armes, si elle est d’accord pour un cessez-le-feu à la ligne de front actuelle et pour entamer des négociations de paix ".
Le programme du parti envisage même " la reprise des livraisons de gaz avec la Russie " et un avenir de la sécurité européenne " en coopération avec la Russie ". Le ministre russe des affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a même exprimé son soutien à Sahra Wagenknecht dans cette campagne : " Il n’a apparemment pas compris, que nous condamnons fermement la guerre russe contre l’Ukraine " rétorque Sahra Wagenknecht face à cet encombrant coup de pouce.
Des propositions qui ont séduit dans les Länder de l’ancienne Allemagne de l’Est, avec des scores entre 11 et 16 % à l’automne dernier, dans une zone qui a une Histoire marquée par la Guerre froide et une relation bien spéciale avec la Russie. Mais Sahra Wagenknecht réussira-t-elle à renouveler ces exploits au niveau national, un an seulement après la création de son parti ? L’euphorie est quelque peu retombée et la BSW se bat désormais pour se maintenir au-dessus de la barre des 5 %, nécessaire pour entrer au Bundestag.
Le parti doit en effet trouver sa place sur l’échiquier politique : d’un côté, il doit faire face aux critiques qui visent sa proximité envers l’extrême droite et le parti Alternative für Deutschland. Sur la politique migratoire, le parti veut notamment durcir la politique d’asile. Sahra Wagenknecht tente de se différencier : " Il ne faut pas surestimer nos similitudes. Nous sommes par exemple pour une réforme du frein à la dette, qui permettrait d’investir dans la rénovation de nos rues, nos ponts, nos rails. L’AfD non ! "
De l’autre, Sahra Wagenknecht se défend véhémentement d’être de gauche, même si la plupart des cadres sont issus de l’extrême gauche et que le parti défend, par exemple, un salaire minimum à 15 €/h ou des taxes supplémentaires sur les hauts revenus : « Nous n’utilisons pas l’étiquette de "gauche", car aujourd’hui on y voit de beaux discours entre privilégiés plutôt qu’une lutte pour plus de justice. Notre position sur la politique migratoire ne correspond pas à la définition actuelle de la gauche, de même pour la politique économique ». Objet politique encore mal identifié, et ne pouvant compter que sur une base militante réduite, le BSW va donc encore une fois tout miser sur son égérie pour réussir son pari électoral, quitte à donner raison à ceux, même en interne, qui dénoncent un culte de la personnalité autour de Sahra Wagenknecht.https://www.ouest-france.fr/europe/allemagne/sahra-wagenknecht-lovni-des-elections-allemandes-00e09fb4-d4eb-11ef-ba2d-4caba193000f